Bienvenue, bienvenue, bienvenue...

Gudule, c'est ma plante de bureau. C'est aussi la compagne de Norbert, ma seconde plante de bureau.


Gudule, seconde du nom, est une kalanchoé née en 2014 tandis que Norbert est un Dracaena Marginata, né à une date inconnue. Ensemble, ils attendent un bébé-plante de bureau (comprendre qu'ils l'auront quand la propriétaire schizo aura trouvé la perle rare).


Gudule en voit des vertes et des pas mûres. Elle râle, partage ses bons plans & astuces, écrit beaucoup, voyage un peu... Elle bricole aussi. Elle n'est ni vraiment écolo, ni vraiment bobo, ni vraiment fashion, ni vraiment féministe... Elle tente juste d'avoir la tête sur les épaules... Un peu.


Bref, bienvenue dans le bazar de Gudule! (parce qu'on s'en moque de Norbert, il parle pas).

jeudi 26 mars 2015

Gudule raconte... l'histoire du viol

Petite histoire du viol.




Parmi tous les sévices que l’on peut faire subir à un être humain, le viol fait probablement partie des plus anciens ayant toujours cours à l’heure actuelle. C’est un acte dont la finalité profonde est un acte de domination et d’emprise tant mental que physique.
Il n’y pas, à proprement parler, une « Histoire » du viol comme il y a une Histoire du féminisme ou de la liberté d’expression. Il n’y a pas de date  de « création » du viol, pas de date où le concept est apparu comme par magie en sortant du chapeau du premier zéro sexuel en manque. Car il semblerait que le viol soit aussi vieux que le monde.


L’Antiquité 

Code d'Hammourabi
En revanche, on retrouve la première mention du terme « viol » dans le Code d’Hammourabi qui fait la différence entre ce dernier et l’adultère. Il y est aussi noté une graduation de la peine encourue en fonction de la virginité de la femme. On notera que pendant des siècles, il n’est question que de viol féminin. De là, se retrouvent les racines qui font que pour beaucoup, le viol masculin n’existe pas.


Chez les Hébreux, il apparaît en filigrane dans l’un des 10 commandements : « Tu ne convoiteras ni la femme, ni la maison, ni rien de ce qui appartient à ton prochain » (on notera que la femme appartient…). Punition était infligée si, selon le Code Deutéronomique, la femme mariée ou fiancée était surprise avec un homme. Il y avait alors adultère. En revanche, si l’homme était extérieur à la ville, seul ce dernier était châtié. Enfin, si la victime était une jeune femme, l’homme devait payer une amende et épouser la fille sans possibilité de divorce. Nous avons là, l’une des premières mentions du mariage réparateur, notion estimant que la femme avait perdu son honneur et donc, était incapable de trouver un mari et que, par conséquent, il fallait la protéger.

Chez les Grecs, le viol est avant tout divin dans le sens où les dieux eux-mêmes recourraient au viol de manière quasi systématique. Je ne citerai que ce bon vieux Zeus et ses multiples aventures extraconjugales. Il y a aussi la notion de mariage par enlèvement dont l’exemple le plus criant est celui de Proserpine par Hadès. L’adultère féminin, dans la société grecque se confondait avec le viol et était sévèrement puni.

Sarcophage avec l'enlèvement de Perséphone - Walters Art Museum de Baltimore


Enfin, c’est chez nos amis les Romains que la notion de viol est la plus complète (mais ça, c’est probablement parce que je dispose de beaucoup de sources). Ainsi, ils distinguent le viol masculin et le viol féminin.
Les hommes violés ne perdent pas leur statut légal et social et ne sont pas touché par l’infamie. Contrairement à ceux qui se prostituent ou ont un rôle passif dans une relation sexuelle. Comme le rapporte le Digeste de Justinien, « selon le juriste Pomponius, si quelqu'un a été violé, que ce soit par la force par des bandits ou par des ennemis en temps de guerre, il n'a à souffrir aucune humiliation » (« si quis [...] vi praedonum vel hostium stupratus est, non debet notari, ut et pomponius ait »).
La loi romaine évoque le viol masculin dès le IIème siècle avant Jésus Christ après qu’une affaire impliquant un homme homosexuel ait fait grand bruit. S’en suit une évolution législative au cours des siècles suivants : la Lex Julia de vi publica promulguée au début du IIIe siècle mais datant probablement de Jules César définit le viol comme une relation sexuelle forcée contre un « garçon, une femme ou quiconque » ; le violeur est passible de mort, une punition rare dans le droit romain ; le viol d’un garçon est aussi grave que celui d’une materfamilias et est un crime capital (c’est l’un des pires crimes avec le parricide, le viol d’une vierge et le vol d’un temple)…

Mars et Rhea Silva - Rubens

Le viol féminin, quant à lui, est aussi représenté dans la mythologie romaine. Cela commence, notamment, avec le viol de la Vestale Rhea Silvia par le dieu Mars… Viol dont sont issus Remus et Romulus. Vient ensuite l’enlèvement des Sabines. Puis le renversement de la monarchie après le viol de Lucrèce par Sextus Tarquin…
Le droit romain reconnaît le viol comme un crime dans lequel la victime n’est coupable de rien. Sous Dioclétien, la position officielle est la suivante : « La loi punit la faute de ceux qui prostituent leur modestie à la luxure des autres, mais elle n'impute pas la faute à ceux qui sont contraints au stuprum par la force, car il a, par ailleurs, été proprement décidé que leur réputation est saine et sauve et que le mariage ne leur est pas interdit. » (Gardner « Women in Roman Law and Society » ; le stuprum est, globalement, le « crime sexuel » et englobe l’inceste, le viol et l’adultère ; c’est une notion qui ne peut être appliquée qu’aux citoyens).
En revanche, comme je l’ai mentionné, le viol n’est reconnu que pour une citoyenne romaine. Le viol d’une prostituée n’est pas reconnu tout comme le viol d’une esclave (d’ailleurs, il n’y a procès que s’il y a dommage pour le propriétaire (Cf : Lex Aquilia). La question du consentement ne se pose pratiquement pas en cas de viol puisque même avec, le coupable peut être inculpé. De même, puisque le viol d’une femme mariée ne pouvant être prouvée, la loi augustéenne prévoit la notion d’adultère criminel pour l’homme coupable. A noter que les accusations de viol sont assez rares dans le sens où les pressions existent tout comme la répulsion à l’idée de rendre l’affaire publique.

Brutus, Lucretius et Collatinus jurent de venger la mort de Lucrèce - Beaufort
L’attitude envers le viol change quand l’Empire devient chrétien. Constantin redéfini le viol comme étant un crime public et non plus privé. St Augustin (La Cité de Dieu 1.19) interprète le suicide de Lucrèce comme l’aveu de sa culpabilité (en gros, elle a encouragé son viol). Toujours Constantin qui estime que la femme, même si elle n’était pas consentante (dans le cas contraire, on la brûle), est coupable car elle aurait pu se sauver en criant à l’aide… le mariage qui pourrait en être issu est considéré comme nul.

 

Le Moyen-Âge

Le christianisme prônant la chasteté et la virginité, il est évident que le viol est sévèrement condamné. Cependant, l’Eglise s’attache d’abord à condamné le rapt des veuves et des vierges consacrées (on en revient à la notion de raptus : en droit romain, cela signifie l’enlèvement, le mariage par enlèvement dans lequel le viol est secondaire ; plus tard, la notion de raptus et stuprum « enlèvement dans le but de commettre un crime sexuel » apparaît et devient distincte) durant les conciles de Chalcédoine et de Lérida au VIème AD.
L’interdiction s’étend plus tard à toutes les femmes. Un pénitentiel du XIème siècle condamne les coupables de rapt de femmes mariées à l’anathème et ceux de jeunes filles ou de veuves à l’excommunication.


Du XVIème au XXème siècle

A l’époque moderne, la violence est considérée comme naturelle, existant des deux côtés de la barrière : tant chez les criminels que chez la justice. Légalement, le viol est puni de mort et parfois de tortures. S’il y a virginité, le châtiment est pire. Pire encore si la victime n’est pas nubile. Le rang de la victime et du coupable sont alors très importants : le viol d’une noble ne sera pas traité de la même manière que celui d’une roturière tout comme le coupable n’aura pas le même châtiment s’il est noble ou roturier.

Ce cher Voltaire...
Sous l’Ancien Régime, les victimes, même les plus jeunes, sont vues comme des séductrices en puissance et de fait, sont considérées comme coupables et subissent la double peine de ne jamais pouvoir se marier car elles sont estimées « gâtées ». De fait, pour déterminer s’il y a eut viol ou non, il faut que des témoins aient entendus la victime crier et qu’ils puissent attester qu’elle s’est défendue. S’il n’y a pas de témoins, l’on examine la réputation de la victime.
Dans le même temps, on considère que la volonté contrainte reste tout de même une volonté. On ne tient compte d’aucun critère : ni la violence physique, ni la violence psychologique. Seule la perte de la virginité compte. Les philosophes des Lumières font partie de ceux qui estiment qu’un homme seul ne peut violer une femme seule si elle est vraiment déterminée. Si la femme est mariée, l’injure est faite à l’époux.


A la fin du XVIIIème siècle, un travail de réflexion morale s’effectue. La vision du viol reste globalement la même mais s’y intègre une sorte d’échelle de valeur considérant certains viols comme plus odieux (ceux sur les enfants, notamment) et certaines victimes comme plus innocentes.
Avec la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, l’homme est alors considéré comme propriétaire de son corps. Dans la même veine, le code de 1791 entérine la notion d’actes nuisibles à la société et distingue les crimes et délits contre les biens et les crimes et attentats contre les personnes. Dans les faits, cela ne change pas grand-chose. Qu’une femme porte plainte et cette dernière est déboutée tout en étant invitée à demander à son époux de porter plainte à sa place. On continue à considérer un consentement contraint comme un consentement réel, les victimes sont toujours vues comme coupables et l’on pense toujours qu’un homme seul ne peut violer une femme seule. En définitive, seule la législation sur les viols et incestes sur enfants change : les victimes ne peuvent plus être poursuivies. Toujours aucune mention de viol par sodomie.

Au XIXème siècle, on continue de penser que le viol ne se passe que dans les villages et hameaux. Le code civil de 1810, dans son article 331, définit l’attentat à la pudeur et la violence sexuelle. La sodomie reste encore impunie alors que le code civil approfondit l’intention criminelle. La tentative de viol bénéficie pour la première fois d’un article et d’une définition. Création d’une unité criminelle dans le code, appelée « les attentats aux mœurs ». Ce dernier, d’ailleurs, continue de condamner uniquement l’adultère féminin. On reste encore sur le consentement forcé comme consentement réel tandis qu’émerge l’idée que le viol d’un enfant est impossible compte tenu de la différence de taille des organes génitaux.
Il faut attendre 1850, grâce à la jurisprudence, pour que l’on commence à punir des cas où il y a eu violence morale ou menace. C’est en 1857 que Tardieu tente de définir les traces physiques du viol. 1880 : on commence à comprendre la spécificité du viol sur les enfants : on parle alors de perversité et on pense que cela a à voir avec l’alcoolisme. La spécificité de l’inceste est elle aussi évoquée. Plus que le viol, c’est de la violence physique que l’on veut protéger les enfants (cf. les lois de 1889 et 1898).
C’est en 1906 qu’est créé le terme « pédorose » pour les viols sur enfants alors que l’on pense que les pauvres et les étrangers (belges et italiens en première ligne) sont plus susceptibles de violer. On commence à parler des conséquences psychiques du viol même si les outils pour les définir sont encore aux abonnés absents. Dans le même temps, on continue de penser que l’enfant violé sera souillé, corrompu et donnera naissance à des rejetons pervers.

Image d'archives du procès d'Aix en Provence de 1978

Avec le procès d’Aix en Provence, en 1978, c’est plus le procès du viol qui est fait. On y souligne alors le rapport de force sur les femmes (merci les féministes de l’époque) selon une logique culturelle, psychologique et juridique. De là en découlent les textes de lois qui sont encore à l’œuvre aujourd’hui.
Le procès d’Aix en Provence marque un véritable tournant dans la vision du viol (même si elle est encore sérieusement entachée par des siècles d’idiotie). Il opposait deux touristes belges (lesbiennes) qui avaient été violées et torturées par trois hommes. Cela avait d’abord été qualifié comme « coups et blessures ». Au cours du procès, Gisèle Halimi a dénoncé la responsabilité de la société qui, en donnant l’avantage à l’homme, autorise la domination masculine et encourage l’inégalité des relations hommes-femmes. Elle a démontré que les violeurs sont le fruit d’une société tolérant le viol des femmes. Puis elle a souligné le fait que les victimes sont atteintes socialement, moralement et qu’elles sont psychologiquement traumatisées et atteintes dans leur intégrité.


Pour terminer:

Malheureusement, l'histoire du viol ne s'arrête pas avec le procès de 1978. Elle ne cesse d'évoluer, de connaître de nouveaux rebondissements. 
J'avoue que ce billet est extrêmement ethnocentré. Cependant, je ne tenais pas à entrer dans un domaine que je ne connaissais pas en évoquant des pays dont l'histoire ne m'est que partiellement, et parfois pas du tout, inconnue.

Je tiens à remercier l'auteur de l'oeuvre "Histoire du viol": George Vigarello pour son travail formidable.


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